
«Il y a des gens qui n’ont de leur fortune que la crainte de la perdre». Rivarol
Elle est bien là, s’est passée exactement comme toutes celles qui l’ont précédée, avec les mêmes ingrédients bien connus, les mêmes malheurs, des maladies dites mystérieuses, les mêmes précarités installées dans un grand nombre de bidonvilles et les méthodes de gouvernance. Durant tout l’été baigné dans une atmosphère de vacances, de rumeurs alimentées par une forme de communication officielle, digne de la guerre froide.
La presse privée a posé de bonnes questions légitimes, et la presse officielle a rétorqué que tout est balivernes, manipulations de l’impérialisme et des jaloux de notre flamboyante démocratie qui devrait inspirer les grandes nations modernes. Durant tout l’été, les optimistes qui misaient sur l’effondrement du système, sous la houlette du syndicat «Solidarité», les pessimistes, sûrement plus lucides, spéculaient sur le maintien absolu du statu quo avec des remaniements comme il y a en a eu des dizaines, tous ont dit. Le constat est là: elle s’est passée normalement.
La rentée s’est faite sans coup férir et le ronron national reprend à son rythme programmé. En attendant le Ramadhan et ses prises de charge pondérale, ses quantités de sucre avalées et les ventres rebondis dans tous les corps de métiers. Les pâtisseries matinées de colorants chimiques, d’huile mille fois utilisée, seront de la fête nationale, religieuse ou familiale peuvent être évitées par un travail sur la durée de prévention, d’alerte et d’éducation. Des spots TV et radio, des pages dans la presse, à longueur d’année, la mise en avant dans les médias des spécialistes de l’alimentation, sont en mesure d’informer les parents et les enfants sur les dangers pour la santé et le budget familial d’une nourriture imposée par des habitudes et le mimétisme. Mais il faut une politique élaborée et des formes de communication adéquates. L’observateur ne sait plus comment sont réparties les missions entre les ministères de la Solidarité, de l’Education, du Travail et du Commerce. Les cartables, les couffins pour les pauvres et même le Croissant-Rouge, réputé caritatif, humanitaire qui n’a besoin d’aucune tutelle, tout devient un enjeu, une rente financière et un appareil asservi à des appétits de clans, de familles qui se battent pour de l’argent, pour placer des amis ou des proches, dans l’opacité et le passe-droit à tous les étages. Si l’Algérie est haut placée dans le classement de la corruption, si la capitale est la plus sale et la plus stressante du monde, ce n’est pas le fait du hasard et la responsabilité des décideurs est pleine et entière parce qu’ils ont le pouvoir de s’attaquer à la corruption et à la saleté repoussante des villages, villes, cités et quartiers selon des procédures et procédés testés dans les grands pays. Comment rendre attractives les villes de ce pays, d’abord pour ses habitants et ensuite pour les étrangers? Nous n’avons ni les canaux de Venise ou d’Amsterdam, ni le pont de Londres, ni le Louvre et Versailles, ni les pyramides et les palais du Maroc, ni la Côte d’Azur, ni les plages américaines, et pourtant la béatitude nationale parfumée aux hydrocarbures ne peut pas cacher pour toujours la laideur galopante des villes, du littoral, de ce qui reste de l’époque turque ou coloniale. Les toilettes d’un café à Rome ou Madrid sont de loin plus propres que les salles réservées aux ablutions dans nos mosquées. La maison de la presse qui enfle et tombe en ruine reçoit cependant, sans rougir, des ambassadeurs et des ministres. L’habitude et le laisser-aller sont devenus une culture bien ancrée, devant la dégradation accélérée de tout ce qui s’offre au regard. La problématique est connue. Tous les constats et analyses sont faits par une foule d’experts, dans toutes les disciplines, étrangers et nationaux, de manière scientifique. Mais de nulle part, n’est devenu un plan général, avec des chiffres et des échéances pour enclencher une dynamique de réformes, de libération des champs social, associatif, politique et économique et pour redonner un peu d’espoir à une jeunesse qui ne croit plus en rien et qui ne trouve que peu de motifs de fierté, de dignité et d’espoir en l’avenir.
Les faits sont têtus et l’abstention record aux dernières législatives, que d’aucuns attribuent à des causes plus que secondaires et superficielles, signifient la gravité d’une situation politique refoulée pour des considérations exclusives de maintien au pouvoir d’acteurs politiques est au coeur des enjeux et essentiellement déterminante pour l’avenir. La nécessité d’avoir des organisations autonomes dans la vie sociale se fait cruellement sentir devant les échecs répétés de la représentation officielle.
Le syndicalisme, s’il est représentatif, légitimé par des scrutins démocratiques à la base est le meilleur garant pour une bonne lecture des problèmes de l’Algérie et le compagnon idéal du pouvoir pour avancer dans l’écoute non déformée du citoyen, de l’entreprise et de la société. Le champ social et la vie politique sont liés directement, mais il leur est indispensable de créer des médiateurs et des espaces où se nouent les conflits et où joue la médiation pour vivre ensemble dans la diversité des intérêts, des croyances des idéologies et des politiques.
Les associations autonomes, les journaux, les revues les clubs de réflexion, les intellectuels sont des associés vitaux pour éclairer les programmes politiques, organiser des offres en direction des partis, du pouvoir, des syndicats.
Lorsqu’il y a une crise profonde, la représentation politique, et c’est le cas en Algérie où, là aussi, les mutations sont souvent «informelles» et échappent aux gouvernants. Tous les actifs de la population sont difficiles à «caser» dans le monde ouvrier, dans les couches moyennes, dans l’artisanat ou le commerce. Ceux qui travaillent sont-ils tous syndiqués ou dans des partis? Les cadres sont-ils créateurs, créatifs ou de simples agents de l’exécutif? Sur quels sites peut-on avoir des informations?
En attendant, le groupe Renault-Nissan installe une usine de production de 200.000 voitures par an au Maroc, délaissant l’Algérie.
Ce sont 36.000 emplois directs et indirects qui sont créés, alors qu’ici le taux de chômage est le plus élevé du Maghreb. Mais l’urgence, paraît-il, est d’empêcher les jeunes filles sans foulard d’aller dans un parc d’attraction. A quand l’obligation de la tenue afghane pour les garçons ?
Les statistiques officielles sont contestées, comme le sont le taux de chômage et les chiffres fantaisistes de la pauvreté, des sans-logis et des bidonvilles. Lorsque l’Etat, dans de nombreux démembrements, n’a pas les vrais chiffres, lorsque des paramètres sont «bidouillés», c’est l’Etat lui-même qui se met en danger, et le pays avec. Mais tout va bien, dit-on.
Abdou .B
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