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7 mars, 2010

15 Mars 62 : Assassinat de Mouloud Féraoun par l’OAS

Classé dans : — eldzayer @ 6:04

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Il venait tout juste de fêter ses 47 ans quand il fut assassiné. 
Né à Tizi Hibel en Kabylie le 8 mars 1913, ce n’est qu’à l’âge de 7 ans qu’il fut scolarisé. Doué qu’il était mais « fils de pauvre », il obtint 8 ans après une bourse, pour continuer sa scolarité à l’Ecole Primaire Supérieure de Tizi Ouzou. Il y passa 4 ans avant d’arracher en 1932, une place méritoire à l’École Normale de Bouzaréah (hauteurs d’Alger). Il figurait parmi les 20 places réservées aux indigènes, sur 318 candidats, alors que les européens en avaient 54 pour 64 candidats. C’est là qu’il rencontra Emmanuel Roblès avec lequel il s’est lié d’amitié.
A l’issue de ses 3 ans à Bouzaréah, il retourna dans son village pour y enseigner, aider les siens à accéder à l’instruction. Ses qualités lui firent vite grimper les échelons. Il fut d’abord nommé en 1932, directeur des cours élémentaires de Fort National (Haute Kabylie). Mais en 1957 en pleine guerre d’Algérie, il quitta sa Kabylie pour Alger. Il fut nommé directeur de l’école Nador de Clos Salembier (hauteurs d’Alger). En 1960, il fut nommé en même temps que plusieurs de ses amis, inspecteur des centres sociaux nouvellem ent crées à Ben Aknoun, sur les hauteurs de la capitale.

Le 15 mars 1962, quatre jours avant les accords d’Evian, un commando de l’OAS surgit, il est fusillé avec cinq de ses compagnons: Ali Hamoutène, Max Marchand, Robert Eymard, Salah Ould Aoudia et Marcel Basset. Ali son fils écrivait à Roblès: « J’ai vu mon père à la morgue quelques heures après sa mort. On lui avait logé 12 balles dans le corps… La salle était pleine ce jour, au moins une centaine de cadavres. Mon père gisait au milieu sur une table ».

Jack Lang disait à propos de ces crimes, à l’occasion d’un hommage, « Cet hommage est pour l’Education Nationale… Il faut rappeler que des figures du domaine de l’enseignement,  n’ont jamais cessé de travailler au rapprochement des peuples français et algériens… ».

L’œuvre de Feraoun est grandiose pour quelqu’un de son époque. Il a commencé à écrire disait-il, à la lumière d’une lampe à pétrole. Il travaillait le jour pour nourrir sa famille, et écrivait la nuit. Il ne s’est pas contenté de mener une carrière dans l’enseignement. Il tenait à raconter au monde entier, la vie dans cette contrée de Kabylie durant la colonisation. Il s’est investi dans l’enseignement puis l’écriture et enfin les centres sociaux. Le but de ces centres était d’abord de venir en aide aux plus démunis, les laissés pour compte. Par la même créer un dialogue entre les deux communautés.

Feraoun a été sans conteste, le premier à porter la littérature nord africaine sur la scène internationale. Il est l’aîné de tous les écrivains maghrébins d’expression française. Il nous a laissé pleins d’écrits: littéraires, autobiographiques, pédagogiques, journal, articles et nouvelles.

L’hommage qui lui a été rendu cette année fut bien timide. Juste une conférence qui retrace sa vie et son parcourt, à la maison de la culture de Tizi Ouzou. C’est dommage. Il est aussi utile de souligner que, contrairement aux premières années de l’indépendance de l’Algérie, ses romans sont de plus en plus boudés par l’Education Nationale. Des textes tirés de ses œuvres, se font rares dans les manuels scolaires. Très peu de nos enfants connaissent par exemple Fouroulou. Et pourtant, beaucoup d’entre eux se reconnaîtraient, dans ce personnage du « Fils du pauvre ».

L’essentiel des œuvres de Feraoun:

  • Le fils du pauvre en 1950
  • La terre et le sang en 1953
  • Jours de Kabylie en 1954
  • Les chemins qui montent en 1957
  • Lettre ouverte à Camus en 1958
  • Les poèmes de Si Muhand en 1960

MOULOUD FERAOUN

S’il est un écrivain algérien dont les lecteurs n’attendent pas la date anniversaire de sa disparition pour le revisiter, c’est bel et bien Mouloud Feraoun.
Ses romans sont lus et relus tout au long de l’année. Ce n’est pas un hasard si ses livres sont si convoités. L’écrivain de génie que fut Mouloud Feraoun a fait de son oeuvre une fontaine inépuisable où la vie en société et le village kabyle sont dépeints avec un style littéraire devenu une référence au fil des décennies. Mouloud Feraoun a réussi la prouesse d’écrire des romans avec un style simple et accessible à un large lectorat. Mais son écriture limpide et sans fioritures n’est aucunement synonyme de platitude. Car la profondeur de ses oeuvres a fait que cet auteur est étudié dans les universités et, des extraits de ses livres sont inclus dans les manuels scolaires. N’eut été la mort cruelle que lui ont réservé les criminels de l’OAS, Mouloud Feraoun aurait sans doute écrit plus et encore mieux. Son parcours d’écrivain a malheureusement été interrompu subitement. Mais sa trilogie reste une référence dans le domaine littéraire.
Sur le plan humain, Mouloud Feraoun demeure un exemple d’humilité et de modestie. Cette simplicité est reflétée de manière édifiante dans ses lettres à ses amis, particulièrement celles adressées à Albert Camus. En écrivant au prix Nobel, Mouloud Feraoun ne se faisait pas d’illusions mais aussi, il ne lésinait pas sur les mots pour mettre en exergue le génie littéraire de son correspondant. Mouloud Feraoun a été sobre également parce qu’il ne s’est jamais enorgueilli bien qu’il avait toutes les raisons pour le faire. C’était l’un des premiers écrivains algériens. Il s’est fait éditer par une prestigieuse maison d’édition, Le Seuil. Il a reçu un prix littéraire à la publication de son deuxième roman, La Terre et le sang et il bénéficiait d’un soutien permanent de l’écrivain français Emmanuel Roblès.
Ce dernier l’épaulait et l’encourageait pour qu’il poursuive l’écriture quand le spectre du doute et de l’incertitude le gagnait. On retrouve aussi l’humilité de Mouloud Feraoun dans son habitude à ressasser qu’il rédigeait ses romans sur des cahiers d’écolier. Mais Mouloud Feraoun, ce n’est pas seulement un caractère effacé. C’est ensemble de ses personnages qui meublent des trames passionnantes mais réelles et prégnantes.
Qu’il s’agisse du petit Fouroulou qui deviendra grand ou d’Amirouche qui aimera aveuglément avant de mourir ou encore de l’adolescente Dahbia, qui aimait sans savoir comment aimer, tous les personnages de Mouloud Feraoun marquent à jamais le lecteur. Ce sont des êtres en chair en os qu’on retrouve entre les lignes de la trilogie: Le Fils du pauvre, La Terre et le sang et Les chemins qui montent. Ce dernier reste un livre féerique qui plonge le lecteur dans le labyrinthe inextricable des sentiments.
Les Chemins qui montent sont le roman de l’amour et de la haine. Une haine villageoise qui ronge ceux qui la véhiculent jusqu’à l’autodestruction. On ne peut pas s’empêcher de faire le parallèle entre ce que raconte Mouloud Feraoun dans ce roman et ce qu’il a vécu lui-même dans son village natal à Tizi Hibel.
Mouloud Feraoun a été sans doute victime de cette inimitié et de cette animosité qui ronge des individus en proie à un déficit affectif insatiable et à un rythme de vie des plus rudes. Mouloud Feraoun a écrit ce livre, non pas pour condamner mais comprendre. Son souci consistait d’abord à faire le constat des choses qui existent. Puis faire part de l’indicible souffrance de l’être humain devant l’inexorable marche du destin. Le livre Les chemins qui montent n’est qu’une suite de La Terre et le sang.
Pourtant, grâce à son génie, Mouloud Feraoun a réussi à en faire deux oeuvres presque distinctes qu’on peut lire séparément sans sentir aucunement l’ombre d’une incompréhension.
C’est dire que le romancier a réussi à coudre un lien tacite entre les deux trames pour en faire en même temps une oeuvre unique et deux livres différents. On peut lire Les chemins qui montent sans éprouver la sensation que l’on a raté quelque chose qui aurait dû précéder ce récit. De même que la lecture de La Terre et le sang ne laisse aucun goût d’inachevé.
La grandeur de Mouloud Feraoun, c’est aussi cette capacité de faire baigner le lecteur dans l’ambiance du village exactement telle qu’elle était, avec tous ses aspects répugnants mais aussi avec le charme inénarrable de partager les peines et les douleurs de la vie dans un climat de solidarité que l’on regrettera éternellement. Le Fils du pauvre restera ce livre référence de l’enfance.
C’est un peu L’Enfant de Jules Vallès ou Le Pain nu de Mohamed Choukri. Sauf que dans le cas de Mouloud Feraoun, il s’agit de raconter une vie d’enfant dans un village kabyle qui n’a jamais été évoquée auparavant par un écrivain.
Malheureusement, à notre époque, la modernité avec tout ce qu’elle charrie comme reniement de l’authenticité, n’a pas laissé beaucoup de place à des personnages comme Fouroulou, lequel, il n’y a pas si longtemps, était l’objet de discussions entre élèves et maîtres, voire entre amis et bibliophiles. Mondialisation oblige, Fouroulou Menrad a cédé devant le rouleau compresseur des Harry Potters et autres envahisseurs culturels qui réduisent la culture locale à sa plus simple expression.
Bien que Mouloud Feraoun reste l’écrivain algérien le plus lu, il est regrettable de constater que la nouvelle génération est de moins en moins au fait de ce qu’il a écrit sur ses aïeux et leur vie. Mais s’adapter à la réalité est peut- être l’un des messages les plus forts que véhicule l’oeuvre de Mouloud Feraoun.
C’est pourquoi, en cette date de double anniversaire de sa naissance et de son assassinat, il faudrait se réjouir que ses livres soient encore lus, peut-être moins qu’avant, mais avec la même fougue et la même passion.

 

Aomar MOHELLEBI

Une réponse à “15 Mars 62 : Assassinat de Mouloud Féraoun par l’OAS”

  1. idir dit :

    allah yerahmek l’algerie a besoin d’homme comme vous et abane, mamerie et la compagnie

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